Quel est le féminin de commissaire-priseur ?

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Par Tiphaine Illouz, 13 juin
 « Depuis mon plus jeune âge, j’ai été initiée à l’objet par mes grands-parents collectionneurs, se souvient Florence Cabarrouy-Lelièvre, l’une des très rares femmes commissaire-priseur. Et j’ai une passion pour les histoires. » Identifier, authentifier et estimer les biens mobiliers à la valeur du moment, c’est ce que Florence fait en tandem avec son époux Arnaud Lelièvre au sein de leur Maison de ventes installée à St Jean de Luz.

« AU MARTEAU ! »

« J’ai trois marteaux : un précieux en fanon de baleine, ivoire et bois d’amourette, un classique, et un extravagant en forme de bouchon de champagne. Je les choisis en fonction du style des ventes, comme des bijoux. » Car le commissaire-priseur est à la fois juriste, féru d’objets d’art et acteur : il se tient sur scène, adjuge, et transforme chaque vente un spectacle vivant. « Être au marteau est un immense plaisir doublé d’une intense concentration. Chaque commissaire à son style, impose son rythme, et présente l’objet pour donner envie. L’estrade est l’apothéose d’un travail invisible et préparatoire qui peut durer des mois. »

Son travail est fait de rencontres avec les collectionneurs, les Musées, et les spécialistes, pour raconter l’histoire des objets et produire un catalogue solide : « Ce travail de fond est primordial. Mettre en scène les objets et les raconter concourt à leur donner plus de valeur. Il faut ciseler les mots, et trouver le bon timing pour dévoiler le catalogue, deux ou trois semaines avant chaque vente pour ménager la surprise et ne pas ‘griller’ les objets. »

Un an de travail peut être nécessaire, comme pour cette vente d’art basque qui aura lieu le 3 août prochain : « C’est une collection régionaliste exceptionnelle, composée de toiles, céramiques, sculptures, et mobilier. Le collectionneur a souhaité retransmettre sa passion et le catalogue matérialise la recherche de toute une vie. »

Énergie, passion, rythme et humour sont les ingrédients du style de Florence au marteau. « Tenir la salle en haleine pendant parfois 4 heures nécessite de parler beaucoup, de faire rêver, le tout dans un style enlevé et enjoué. »Raconter l’objet, c’est dévoiler ses secrets, à qui il a appartenu, dans quel château il prenait place ou à quel atelier il était rattaché.

NOUVELLE VAGUE

Si les amateurs d’objets couraient hier les salles de ventes (Drouot, Sotheby’s ou Artcurial pour les plus fameuses), aujourd’hui on peut suivre une vente en temps réel, enchérir de chez soi tout en ayant accès aux ventes du monde entier. « Les enchères en ligne ont changé nos vies. Depuis la salle, je vois et j’entends toutes les personnes qui nous suivent en temps réel. Cela a un aspect pratique, et peut rassurer les grands timides. » Les salles des ventes sont aussi des lieux de culture où s’initier à l’art et à l’aura des objets. 

Assoiffée de liberté, la nouvelle génération de commissaires-priseurs est libre de travailler où elle veut sans nécessairement reprendre une charge. « Je peux vendre partout dans le monde et organiser des ventes à l’international. Nos trois premiers lots ont été vendus respectivement en Belgique, à Dubaï, et à Shanghai : c’est un signe ! »

Son meilleur souvenir ? La vente aux enchères de tableaux et objets ayant appartenu à Rena et Jean-Louis Dumas, propriétaires d’Hermès, à Drouot en 2011 : entre objets simples chinés en voyage et chefs d’œuvres de la peinture (Pierre Soulages, Antoni Tapiès) ou du design (Jean-Michel Frank), la vente présentait plus de 200 lots de l’univers intime de ces deux collectionneurs.« En un an de travail, nous avons eu le temps d’apprendre à connaître ce couple, à plonger dans leur passion, et nous avons atteint des records de vente fabuleux. Cette vente m’a bouleversée car elle a ressuscité un couple très attachant. »

Car les objets ont bien une âme, constituée « par leur qualité d’exécution, leur rareté, et aussi la marque de celui ou celle à qui ils ont appartenu. » Et ce sont ces fragments d’intime que l’on vient acquérir aux enchères.